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Le pendule

 

Alors que Gérard, Vincent et moi nous réconfortions devant un rosé / pêche de vignes, après une journée de flipotage, pinochage, dépoussiérage, lissage, laquage, et autres tripotages pratiqués avec un outillage impressionnant, aux dimensions bien supérieures à celles utilisées au cours de mes coupables activités professionnelles, j’évoquais mes facultés de maraboutage et devisions bientôt sur les  mérites respectifs du pendule et des baguettes.

Puis, chacun évoqua un souvenir familial de faits “curieux”, et Gérard vient de me faire parvenir deux anecdotes écrites par son frère Guillaume et lui-même sur les talents de Mamie, leur grand-mère.

 

Vers la fin des années 70  notre grand-mère maternelle, “Mamie” (Colette de Clercq), séjournait régulièrement quelques semaines à Kérantré au mois d'août. Elle avait environ 80 ans. Petite dame d’une grande gentillesse et toujours souriante qui a vécu dans un monde tellement différent du nôtre et pourtant dans un passé pas si lointain. 

 

Quand Baudouin lui demande : 

       - Mamie finalement, vous n'avez vécu que dans des châteaux ?  

Tout naturellement elle répond :

       - Mais où voulais-tu que je vive mon p'tit ! 

 

Les Clercq  c’est un peu l’opposé des d’Aboville . Probablement est-ce d’ailleurs la raison pour laquelle maman serait tombée dans les bras de papa ! 

Chez les Clercq nous sommes dans l’imagination, l’intuition, la sensibilité, le rêve, l’émotion. On fait danser les tables et on communique avec les esprits qui veulent bien se joindre à la fête. 

Chez les Dabo c’est plutôt  l’analyse, la logique, la rigidité, l’effort et le travail. On se construit progressivement et on ne montre pas ses faiblesses.  Pour résumer les Clercq occupent la partie droite de notre cerveau et les Dabo la partie gauche ! Mais alors où se positionne-t-on quand on est issu des deux ? Quelle question ! Au milieu pardi… tiraillé entre les deux influences!

 

J'ai la « bonne idée »   de perdre mon portefeuille et tous mes papiers pendant un séjour de Mamie à Kérantré. Après de vaines recherches partout où j’étais passé, et au bord de l’abandon, je suis sur le point de me rendre au commissariat pour y faire une déclaration de perte. En dernier recours je me décide, un peu intimidé, à aller voir Mamie. Elle avait la réputation d’avoir beaucoup de fluide et des pouvoirs de medium. 

 

Elle va donc chercher son pendule  dans sa chambre, appelée la "chambre rose", et me dit, toujours très modeste d'une petite voix :

       - On va essayer… 

Nous nous trouvions dans le salon de Kérantré. Le pendule nous indique le vestibule, puis le perron. Elle me dit très sure d'elle:

       - Ton portefeuille n'est pas dans la maison ! 

Nous descendons doucement l'escalier du perron côté gauche et nous nous dirigeons vers le magnolia situé à 50 mètres de la maison.

 

Ma vieille 2 CV camionnette de l’époque (dommage je ne l'ai pas gardée) est garée devant la pelouse et nous allons droit dessus. Lorsque nous arrivons devant, Mamie me dit : 

       - Ton portefeuille est dans la voiture !  

       - Mamie, c’est impossible j’ai déjà regardé plusieurs fois à l’intérieur ! 

Elle insiste… J’ouvre la porte conducteur et reprends mes recherches sans trop y croire, mais quand même avec un peu d'espoir. Puis, après quelques minutes, je retrouve mon portefeuille sous le siège avant ! Il devait avoir glissé lorsque je suis sorti de la voiture quelques heures plus tôt. Cette recherche n'a pas pris à Mamie plus de 15 minutes.

 

Une preuve supplémentaire que la vie est très injuste. En quelques minutes Mamie a réglé mon problème que j’ai été incapable de résoudre en plusieurs heures.

 

J'avais 20 ans et c'est mon souvenir de Mamie!

 

Guillaume          

 

 

L'anecdote de Guillaume m'en rappelle une autre, toujours une histoire de pendule.

 

C'était, j'imagine, dans les années soixante dix. En plus d’articles de pacotille destinés à la revente moyennant un confortable bénéfice, Hubert avait ramené du Népal un népalais. Pas un simple népalais : un prince. Et pas n'importe quel prince : le Fameux, l’Illustre, le Sérénissime Narendra Man Shrestha. En personne.

 

En ce temps-là, les népalais voyageaient peu et c'était la première fois que notre prince sortait de son pays. Le voilà passant quelques jours à Kérantré.

       - A so big place with so few servants ! en dira-t-il en considérant la modeste domesticité.

Il est vrai que, rien que dans le volume du salon, à Katmandou on aurait casé une maison à étage abritant trois familles nombreuses !

 

Le prince, même s'il demeurait imperturbable en toutes circonstances*, allait de découverte en découverte. Les repas, pris dans la grande salle à manger étaient un grand spectacle qu'aucun de nous n'aurait manqué. Mamie était là et n'hésitait pas à commenter :

       - Mais qu'est-ce qu'il fait ? 

       - Non mais voyez-vous ça ? 

En effet, notre népalais, qui avait pris son porte couteau en ivoire pour un cœur de palmier tentait en vain de l'ingurgiter ! Et en témoignage de satisfaction gustative, et selon la coutume de son pays, le sérénissime rotait, superbement.

       - Non mais c'est trop fort ! Vous entendez ce grossier personnage? protestait Mamie à chaque fois, ayant oublié les explications que nous lui avions données cinq minutes avant !

 

Un soir vint l'heure des petits cadeaux. Notre prince avait apporté une collection de produits de l'artisanat népalais, dont, selon la description d'Hubert :

       - une jolie petite boule, de la taille d'une balle de ping-pong et à peine plus lourde, faite d'un fin fil d'or et ajourée. Moi je dirais plutôt un truc un peu kitch, en fil de cuivre doré, dont personne ne voulait ni ne savait quoi faire. Personne, sauf Mamie : 

       - Donnez moi ça, c'est un pendule.

Aussitôt nous passons à la démonstration. Tandis que Mamie est isolée dans le vestibule, nous cachons une bague. Bien cachée, sous un tapis, et avec un fauteuil par dessus !

Mamie nous rejoint, se concentre, va et vient, tourne un peu dans la pièce et s’immobilise, le pendule frémit. 

       - C'est là ! et c'était là.

 

Alors le prince se jette à ses pieds qu'il couvre de baisers en criant :

       - Miracle ! Miracle !

Et, jusqu'à la fin de son séjour, il l'a considérée avec le plus grand respect mêlé de crainte.

 

Gérard          

 

* Un jour, si j’en trouve le temps et le courage, j’écrirai le récit de la totalité du séjour du Sérénissime. Du grandiose !

 

 

 

 

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Commentaires: 2
  • #1

    PBories (mardi, 13 septembre 2022 13:55)

    Cela dépasse mon entendement ………et pourtant il faut se rendre à l’évidence que ça peut marcher !!!

  • #2

    Michel (mardi, 13 septembre 2022 16:11)

    Ça marche bien sûr !
    Il faut seulement y croire un peu.