L'escapade du jeune Gilles

Un soir, mon regretté voisin Gilles et moi étions de part et d’autre de la table, chacun devant notre part  de "flamenkuchde" amoureusement préparé par "Toupargel". Nous étions probablement en train de dénigrer nos contemporains, notre passe-temps favori, quand soudain je vis son visage s’éclairer d’un sourire malicieux.

- Il faut que je te raconte un vieux souvenir d’enfance, me dit-il.

La scène se déroule au château familial, et le jeune Gilles pour je ne sais plus quelle raison, ne doit pas sortir d'une portion restreinte de la propriété. Le malheureux se morfond et fait part de ses soucis au jardinier. Celui-ci, compatissant, et peut-être un peu pour braver les interdits du maître des lieux, propose au jeune brimé un stratagème : il doit se rouler un boule dans une brouette, une bâche par dessus, quelques branchages, et vogue la galère. Quelques dizaines de mètres, et vive la liberté.

L’équipage passe ainsi devant le perron, et c’est alors que le père de Gilles interpelle son jardinier.

Pose de la brouette, discussion et le temps passe…

Le cœur de notre malheureux tassé au fond de sa brouette bat à tout rompre, il imagine les pires sévices qui l’attendent s’il est démasqué, et regrette amèrement cette folie. Qu’on ne l’y prendrai plus, cinq Pater, trois Ave, et surtout ne pas éternuer, ne pas bouger…

Enfin conversation close, le convoi repart vers la liberté.

De nombreuses années plus tard, Gilles devenu grand avoua à son père les circonstances de cette anecdote. Il fut félicité pour l’ingéniosité et l’audace de l’opération, et reçu la confirmation qu’il aurait été vertement tansé si la supercherie avait été éventée. 

On ne badine pas avec les principes dans la famille !