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La médaille

C’était en 1959, ma première année de classe obligatoire, que l’on nomme actuellement CP, au sein d'une modeste école du XXème menant au Certificat d'Etude Primaire. 

Dans cette classe, chaque mois ou chaque trimestre, je ne me souviens plus très bien, l’usage était de décerner "la croix" aux élèves les plus méritants. Pour trois mois, les heureux impétrants pouvaient alors arborer fièrement, leur décoration épinglée sur la poitrine. Mais attention, à la moindre incartade, planait la menace de dégradation. Cette extrémité était fort rare, mais suffisamment infamante dans nos esprits, pour être très efficace.

 

Au moment de la distribution, les croix, plus ou moins fastueuses et en nombre restreint étaient alignées sur une table. Chaque élu était alors appelé à tour de rôle, en commençant par le meilleur, et choisissait selon son goût parmi le stock restant. 

 

A la fin du premier trimestre, à ma grande surprise, je fus appelé pour faire mon choix. Tremblant et hésitant, je jetais enfin mon dévolu sur ma breloque. Le roi n’était pas mon cousin, et après que la maîtresse l'eut accrochée à mon plastron, rayonnant je regagnai ma place, pensant au triomphe qu'il ne manquera pas de mettre fait le soir à la maison !

 

C’est alors qu’arriva un monsieur, chargé d’un appareil monté sur trépied : ma première photo de classe. Une fois l’opération de chargement de l’engin effectuée, l’homme de l’art prévint la maîtresse qu’il était prêt.

 

- Les bras croisés sur la table, et ne bougez plus, lança-t-elle.

 

Et c’est là que je me rendis compte que cette position cachait mon précieux trophée.

Que faire ?

Risquer de gâcher l’immortalisation de ce moment magique ? Pas question !

Et prestement, je glissais ma main sous la médaille, mettant ainsi en valeur, au premier plan, et aux yeux de tous, le fruit de mes efforts. 

 

Par la suite, je me suis assez rapidement rendu compte que les efforts consentis afin d'obtenir ce genre de babiole, n’étaient peut-être pas en rapports avec les bénéfices obtenus, et que certains, comme les militaires par exemple, sont restés de grands enfants...

Le week-end suivant, ou peut-être un autre, je m'en fus me promener fièrement dans ma tenue du dimanche entre mon grand-père et ma grand-mère.

 

Peut-être est-on allé jusqu'à la Foire du Trône vers Nation, déguster un petit cochon en pain d'épice en lorgnant les présentations de femmes à barbe, femmes sirènes ou autres monstruosités de la nature, et écouter le rugissement des fauves et les pétarades des motards dans leur "ronde de la mort", s'entrecroisant dans un ballet infernal à l'intérieur d'une sphère métallique ajourée.

 

Pour me récompenser, j'ai probablement eu droit aussi à un tour de train fantôme, et à me perdre dans le labyrinthe de glaces. Pour le grand-huit, ce sera quand je serai plus grand.

 

Tout cela bien sûr à pied : je m'entrainais déjà pour mes vieux jours...

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Commentaires: 5
  • #1

    le 6 du fort (samedi, 20 novembre 2021 18:40)

    J'tavais reconnu!
    Bravo tout de même pour ta médaille!
    A quand une histoire sur les bons points?

  • #2

    PBories (samedi, 20 novembre 2021 19:58)

    Doisneau aurait pu faire cette photo !!

  • #3

    Eric (dimanche, 21 novembre 2021 12:08)

    Tellement vrai

  • #4

    Babette (dimanche, 21 novembre 2021 18:48)

    Trop contente de faire ta rencontre...quand tu étais petit. Beau gosse ! Bravo pour la médaille ! C'est super ces "vieilles" photos en noir et blanc.

  • #5

    La voisine du haut ! (samedi, 27 novembre 2021 23:27)

    bien sûr tu as été démasqué, en 1er plan sur la photo
    les bons élèves devant cela va sans dire !