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Ménilmontant

 

Alors qu’à l’heure postprandiale je me ressourçais bien calé dans mon fauteuil, il m’est revenu des images de mon enfance de petit parisien de Ménilmontant.

 

Je me revois encore, quelle que soit la saison, en culotte courte et béret, l’hiver une pèlerine parachevant ma tenue.

La culotte ou pantalon court, à ne pas confondre avec notre short actuel, était la tenue normale des garçons jusqu’à l’adolescence. Pour les filles, il n’en était pas question ; seule la robe et son fameux "pli religieuse" ajustant la longueur de la robe en fonction de l’âge était de mise.

 

Je soupçonne les mères de familles d’être complices de cette mode, les travaux de ravaudage du pantalon long laissant avantageusement place aux genoux couronnés, qui avaient l'avantage de se réparer tout seul.

 

Étant fils unique et les écoles n’étant pas encore mixtes, la jeune gente féminine m’était totalement étrangère, laissant parfois place aux fantasmes les plus flous. Parfois, alors que mes copains et moi vagabondions en patins à roulettes, nous croisions quelques filles occupées à une quelconque marelle. Nous nous empressions alors de nous ignorer superbement, et chacun restait cantonné dans son monde.

 

Les patins à roulettes !

Pratiquement le seul moyen de locomotion pratiqué par les garçons, à part la plateforme arrière des bus de cette époque, lorsque la distance à parcourir était hors de portée. Nous déambulions à deux ou trois, armés d’une sarbacane avec comme munitions une provision  de rectangles de papier que nous glissions négligemment à la ceinture, et que nous métamorphosions prestement en flèches (cornets scellés à la salive et découpés au calibre voulu).

 

Les cibles étaient multiples. Outre nous-mêmes, les chats, les pigeons et les petits chiens, nous apprécions particulièrement à la belle saison, les rideaux en filet dans lesquels nos fléchettes restaient fichées. Plus la fenêtre était haute, plus la fierté nous pénétrait. Ah ! les fenêtres du 6ème étage…

 

A cette époque, la circulation était très clairsemée. et nous nous préoccupions fort peu des éventuels véhicules, au grand dam des conducteurs. Nous tentions alors les “figures” les plus osées afin d'impressionner les copains, ce qui me valut de me retrouver par deux fois un bras dans le plâtre.

 

Notre quartier populaire comportait des patronages de diverses obédiences, et le jeudi nous filions sur nos roulettes de l’un à l’autre en fonction des films proposés, sans nous soucier le moins du monde de l’orientation politique des dits “patros”. L'innocence de la jeunesse… Je me souviens avoir ainsi visionné, haletant et  impressionné, “Capitaine courageux”, projection sans doute pas étrangère à mon goût pour les voiliers, et une suite de diapos en noir et blanc (si je peux m'exprimer ainsi) sur verre me semble-t-il, narrant les aventures de Tintin en URSS.

 

Je me vois encore aller jusqu’aux “fortifs”, faire prendre l’air à Mireille ma tortue.

Les fortifs, étaient une zone laissée plus ou moins à l’abandon, occupée jadis par les fortifications de Paris, juste derrière les boulevards extérieurs. Cette pauvre campagne déshéritée servait de décor à nos besoins de verdure et d’évasion, loin des squares, leurs pelouses interdites, et leurs gardiens képiphores au regard inquisiteur  : nous y observions de loin les mouvements des avions du Bourget et le rocher aux singes du zoo de Vincennes. Il m’était toutefois interdit de m’y rendre seul, car nous y croisions parfois quelque exhibitionniste, prié par ma grand-mère de ranger tout ça sous peine de délation.

 

Les images me reviennent au fil du clavier, mais il est temps de clore avant la lassitude..

Nostalgie, quand tu t'immisces !

 

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Commentaires: 5
  • #1

    David (mardi, 16 novembre 2021 07:31)

    Merci Tonton. Quel talent d’écriture… on s’y croirait !

  • #2

    Patrick B (jeudi, 18 novembre 2021 08:03)

    Ce pourrait être le cousin de Maurice Chevalier ! Ménilmuche !?

  • #3

    Bernard Cadudal (jeudi, 18 novembre 2021 09:05)

    La culotte courte, c'était du costaud, bien plus que les genoux . . .
    Ça durait tellement que j'en ai porté avec des rallonges (un pli de religieuse pour garçon en quelque sorte) ! !

  • #4

    Babette (jeudi, 18 novembre 2021 21:55)

    C'est vrai qu'à lire le récit, très bien écrit, on imagine bien les images... j'aimerais bien voir quelques photos de toi à cette époque, mon Lilette !!! Pourquoi ne pas te lancer dans l'écriture de petites nouvelles ? Ou un recueil de récits ? Dans l'attente d'une prochaine parution....

  • #5

    La voisine du haut (samedi, 27 novembre 2021 23:26)

    quel plaisir que cette visite de menilmuche ! et sans voitures le paradis !