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Cauchemar climatique

Le ciel est gris et bas. Des bourrasques de neiges me giflent agressivement le visage, malgré ma cagoule et mes lunettes de montagnard. Un paysage à la Bruegel…

Je me dirige vers la cale du Fort Espagnol, apercevant parmi les mélèzes les restes pathétiques d’immenses éoliennes, les pales à moitié détruites, n’ayant pu supporter l’énorme quantité de givre accumulé. Les pylônes eux-mêmes, ont souffert des conditions climatiques : certains sont pliés tels des sémaphores, d’autres brisés. 

Heureusement, les réseaux filaires ont été enterrés. Ils n'auraient pu résister non plus.

Me voilà, essoufflé, grelottant, arrivé au but de ma promenade. La rivière n’est plus qu’un minable ruisseau gelé. Les tables des parcs à huîtres ont été remplacées par ce qui semble être les restes de panneaux solaires recouverts de lichens et de glace.

 

Mais que c’est-il donc passé ?

 

Pensif, la tête basse, je retourne sur mes pas et aperçois, descendant de Kercado, un natif qui fut jadis probablement grand et élancé, mais qui à présent, marche courbé, comme accablé par un fardeau démesuré. 

J’engage la conversation, et lui demande ce qu’il s’est passé : je ne reconnais plus le doux paysage que j’ai en mémoire.

 

- Mais d’où sortez-vous ? me dit-il. Il en est ainsi depuis de nombreuses années, et le phénomène ne fait qu’empirer.

 

- Je ne comprends pas répliquais-je, j’entends encore les exhortations des médias pestant contre les irresponsables producteurs de CO², provoquant un réchauffement catastrophique du climat, et criant haro ! sur les émissions anthropiques des gaz à effet de serre, accusés de mener la planète à sa perte !

 

- Laissez-moi rire ! s’esclaffa-t-il malgré la douleur provoquée pas ses lèvres gercées. De gentils écervelés ont bien, pour d'obscures raisons, semé la panique dans le monde occidental, édictant des oukases plus irréalistes les uns que les autres, nous enjoignant de supprimer toute combustion d’énergie fossile, de bois, d’allumettes, de tabac, de chandelles… et toute utilisation d’énergie nucléaire. Résultat, pour tenter d’approcher les normes édictées, les paysages se sont couverts de forêts d’éoliennes, et de champs de panneaux solaires… au profit de la Chine et des pays émergents non soumis à ces contraintes, mais sans effet notable sur la concentration en CO² de l’atmosphère… Puis, sans raisons apparentes, les températures se sont stabilisées, puis abaissées, le taux de CO² a diminué, et maintenant nous grelottons et la nourriture se fait rare. An nord du 50ème parallèle, la vie devient presque impossible. Les scientifiques parlent d’un nouvel âge glaciaire qui devrait durer 100 000 ans comme les précédents, et nous conseillent d’émigrer, en qualité de réfugiés climatiques, vers des cieux plus cléments , anciennement tropicaux.

 

Effaré par ces paroles, je recule d’un pas, pose le pied dans un trou dissimulé par la neige, tombe, tombe, tombe sans fin… et me retrouve en sueurs dans mon fauteuil.

Quelqu’un frappe à la porte : c’est sans doute l’ami kercadosien qui vient me proposer la petite promenade thérapeutique quotidienne.

 

- Allons-y, lui dis-je, afin d'agrémenter notre marche, je vais te raconter mon dernier cauchemar … une horreur !

 

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Commentaires: 4
  • #1

    P.Bories (vendredi, 13 août 2021 14:24)

    Voici un talent de conteur voire de romancier qui demande à être cultivé !!!! J’attends donc la suite !

  • #2

    Tonton (vendredi, 13 août 2021 16:12)

    Je m'attendais à plus de commentaires outragés :-)

  • #3

    Soirat (samedi, 14 août 2021 12:25)

    Continue Tonton! On souhaite connaître la suite ( après 100 000 ans)
    Normalement ça doit se réchauffer ?

  • #4

    Tonton (samedi, 14 août 2021 15:53)

    Probablement, etc...
    Nous attendons au moins la 18ème glaciation du quaternaire.
    Les périodes interglaciaires durant de 10 000 à 20 000 ans, nous devrions avoir un peu chaud encore quelque temps, mais rien que de très normal, et si nous pouvions diminuer les effets de la prochaine glaciation, je suppose que nos descendants ne nous en voudraient pas trop.
    Cela me fait penser aux enfants tentant de protéger leur château de sable à marée montante : la mer finira par submerger leur construction et effacer leurs traces comme celles des "pas des amants désunis" chers à Prévert, puis redescendra.
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Glaciations_quaternaires