La première mission du sous-marinier

Alors, qu'obéissant aux injonctions du corps médical, nous faisions par monts et par vaux notre petite marche quotidienne, mon compagnon d'infortune me confia la teneur de sa première mission d'importance. Frais émoulu de l'Ecole Navale et en tant que "petit chef", notre ami fut chargé par sa hiérarchie d'une bien curieuse quête.

 

Mais plantons le décor : son sous-marin stationné à Lorient, devait prendre la mer le soir même, et faire escale en Ecosse à Edinbourg chez les messieurs en jupes plissées. L'équipage allait être lâché en ville, se livrant peut-être et même probablement à quelques incartades. Soucieuse de la santé de ses équipages, la Marine Nationale n'entendait pas laisser ses ouailles sans protections… prophylactiques. A l'époque, la Royale dans sa grande générosité, fournissait royalement le tabac et quelques indispensables.

 

Notre ami fut donc chargé, avant le départ, de pourvoir à l'approvisionnement en protections idoines.

 

Après claquage des talons et acceptation de la mission, rapidement un décompte fut fait : 

- membres d'équipage : 50 

- nombre d'exemplaires / jour : 2 

- durée de l'escale : 10 jours

soit 1000 pièces à se procurer dans la journée !

 

Notre ami voulant sans doute briller auprès d'un quelconque amiral, s'abstint de déléguer à un malheureux sous-fifre subalterne le soin de rassembler en un temps record ces indispensables accessoires, et armé d'un annuaire et d'un grand sac s'en fut faire le tour des pharmacies locales.

 

Nous pouvons tous l'imaginer dans chaque officine, balbutiant en formulant sa demande dans un anglais approximatif, puis rosissant en raflant le stock de condoms disponibles devant la mine admirative et gourmande des pharmaciennes et laborantines. N'oublions pas qu'à cette époque, ces articles jouissaient d'une réputation sulfureuse, et l'achat en était généralement fait en montrant discrètement un emballage.

 

J'ignore si la mission fut totalement couronnée de succès (il y a si longtemps), mais j'imagine cette anecdote à bord d'un porte-avions !