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Entraînements d'hiver 1978

Il y a de cela bien des lustres (huit pour être précis), dans les années 1978, tous les quinze jours je remontais de Vendée, afin de participer aux entraînements d'hiver de la Trinité, en compagnie de mon beau-frère et de ma belle-sœur à bord de notre Super Arlequin. Nous n'étions alors guère brillants, car nous avions décidé d'être polyvalents et nous changions de rôle à chaque régate (barre, embraque, n° 1...). Nous voulions éviter la spécialisation, être interchangeables en quelque sorte. A chaque weekend d'entraînement, nous embarquions un ou deux équipiers, afin d'alléger notre tâche. Et c'est ainsi qu'au cours de longs bords de près, les filières sous les aisselles, nous fîmes la connaissance de Léo.

 

Léo n'était pas un équipier ordinaire. C'était un personnage.

Déjà physiquement, il avait une "gueule" : yeux bleus délavés, pommettes saillantes, menton prononcé, mèches rebelles... une gueule de sorcier pour album d'Asrérix. Mais le récit de ses expériences valait aussi le détour. Il nous avoua un jour être l'heureux géniteur d'un engin hybride mi-vélo mi-planche à voile, qui le dimanche,  squattait les parkings de supermarchés, à la recherche de figures libres inédites et de chronos décoiffants. Il nous expliqua une autre fois, comment retrouver des canalisations enterrées, à l'aide d'un fer à béton coudés à 90° tenu dans chaque main. Mais ce ne sont pas ces broutilles qui lui ont valu sa réputation sulfureuse.

 

Un jour, agrippés aux filières, l’œil morne, nous regardions nos concurrents nous distancer inexorablement. Il y a des jours comme ça, quand ça veut pas, ça veut pas... et on se demande ce qu'on fait là, à se faire rincer, à suivre par la pensée la petite goutte froide en train de descendre le long du dos, jusqu'à rejoindre ses congénères, rassemblées presque au chaud, dans la raie des fesses.

    • Celui-la, il va perdre son mât ! lâcha laconique notre ami, pointant un doigt noueux vers un bateau.

Bien que connaissant Léo, et sa réputation naissante, nous regardions amusés dans la direction indiquée. Et crac'h ! le mât dans l'eau ! Abasourdis, stupéfaits, nous nous regardions interloqués encore, quand Léo ajouta :

    • Celui-là aussi d'ailleurs !

Et évidemment, ce deuxième mât ne tarda pas à rejoindre le premier. 

Ce jour là, notre ami fut invité à ne surtout plus regarder notre mât ! Sous aucun prétexte !

 

Il tenta par la suite de nous expliquer, qu'il avait vu une grosse risée s'approcher de nos concurrents, et qu'en fonction de leurs gréements notoirement sous échantillonnés, et que..., et... Voilà justement, ce qui fait que votre fille est muette

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Commentaires: 1
  • #1

    Sylvie l’aubergiste (samedi, 23 juin 2018 22:19)

    Crac’h fit le mât ! Tac’h dit Léo ! Et Toc’h ajouta Tonton ! Chic’h une nouvelle histoire hispano-fortine !