· 

Vers Madère


28 septembre 2008...

 

Après un travail acharné de Patrick, Éclipse est prête pour la première étape de son périple. Afin de tester le bon fonctionnement de l'installation informatique, Patrick et Marie m'ont proposé de les accompagner jusqu'à Madère. Un autre équipier, Marc architecte de son état, est aussi de la balade.

Comme en Bretagne toute occasion de boire un coup est bonne, Patrick et Marie ont prévu un pot de départ sur la Place Rouge du Bono. Après moult godets, bises et chaleureuses poignées de mains, sonne l'heure du départ. La marée n'attend pas !

Afin de prolonger ces derniers moments, il est prévu une escale à Houat (au Béniguet pour les locaux), en compagnie de quelques bateaux accompagnateurs. Quelques verres, quelques bouchées, derniers adieux, et c'est parti pour quelques années.

 

Il faut commencer par organiser une vie harmonieuse à bord, et toute personne ayant un tant soit peu navigué, sait que ce n'est pas chose aisée. Patrick, maître à bord après Dieu, attribue les rôles, heures de quart, précise les zones sensibles et ses principes de vie en milieu confiné.

Il ne reste plus qu'à suivre ce canevas, et voir si au niveau de l'équipage, la mayonnaise prend. Et là, il faut reconnaître que la mayonnaise est d’anthologie. Tout le monde trouve sa place : Patrick, notre pater familias, un œil sur tout, nous laisse la bride sur le cou, mais nous reprend gentiment en cas de besoin.

Marie, absolument insensible au mal de mer, peut se tenir aux cuisines quelque soit la météo, et luxe suprême, avec un grand sourire, propose un petit déjeuner à l'homme de quart au lever du jour (moi en l'occurrence !).

Quant à Marc et moi, nous nous découvrons un intérêt commun pour les petits jeux de réflexion (jeu de Marienbad et la base binaire, chèvre broutant la moitié d'un champ circulaire, et autres interrogations astronomiques...). Mon quart suivant le sien, il lui arrive parfois de le prolonger, afin de confronter nos réflexions sur tel ou tel sujet. Comme nous ne disposons pas de moyen d'écriture, les discussions vont bon train. J'ai le souvenir de la tête de Patrick s'encadrant dans la descente, le regard en alerte, inquiété par des éclats de voix exaltées, et nous demandant ce qu'il se passe.

 

Une fois tout ceci mis en place, Patrick teste le matériel de bord. Pour la navigation électronique et les fichiers météo par Iridium, tout va bien (ouf !). Idem pour la production d'eau douce du désalinisateur. Maintenant, passons à l'hydrogénérateur, qui nous permet de recharger les batteries grâce au déplacement du bateau !

Le principe en est simple : une hélice à la traîne, reliée à un générateur par un câble. Mais aussitôt que le bateau atteint une certaine vitesse, le bout reliant l'hélice à l'alternateur fait des boucles, et le tout saute de vague en vague en vrombissant. Nous remontons le tout à bord, et nous lançons dans un brainstorming échevelé. On peut compter sur moi pour évoquer les solutions les plus farfelues. Finalement, nous ajoutons quelques maillons de chaîne juste avant l'hélice, ce qui a pour effet d'assagir l'humeur vagabonde de l'installation.

 

Et si maintenant nous testions le matériel de pêche ?

Patrick descend à la table à carte, et revient radieux :

    - Nous sommes au niveau de la tombée du plateau continental, c'est le moment !

Je jette un œil interrogateur au reste de l'équipage, mais pourquoi pas ? Quelques minutes plus tard, un thon donne raison au capitaine. Je ne vois pas par quel mécanisme, le fait que le fond océanique remonte brutalement à 200 mètres est propice à la pêche, mais ça a marché. Et le thon, c'est bon !

 

Cap Finisterre, de nuit, pétole...

De quart, à la barre, mais non manœuvrant, je surveille d'un œil inquiet le trafic, essayant de suivre les  trajectoires et tentant d'éviter les éventuelles collisions. L'enfer !

N'y tenant plus, je réveille l'autorité, lui explique la situation et demande si un coup de moteur ne serait pas le bienvenu. Réponse outrée du capitaine :

    - Tu n'y penses pas, on n'est pas pressé, on est en croisière !

    - Et tous ces bateaux dans tous les sens, j'en ai des sueurs froides.

    - Ne perd pas ton temps à chercher les feux de navigation rouge et vert. Tous ces bateaux ont une lumière blanche en haut d'un petit mat à l'avant, et d'un mat plus haut à l'arrière. Si ces feux se rapprochent, c'est que tu coupes la route du navire, s'ils s'éloignent, c'est bon, tu t'en écartes. Bonne fin de quart !...

Lumineux, non ? Il reste encore les trajectoires à éviter, mais depuis mes quarts sont beaucoup plus sereins.

Enfin, c'est l'heure de rejoindre ma bannette, et je me blottis béatement dans les bras de Morphée. 

Soudain, un bruit de moteur, des bruits d'abordage, et la tête de Patrick apparaît dans l'encadrement de la porte de la cabine.

    - Passe moi ton passeport !...

Il s'agit d'un contrôle des autorités, intriguées sans doute par ce bateau traînaillant et zigzagant au milieu du rail. Sacré Patrick !

 

Porto Santo proche de Madère est en vue, mais le vent à nouveau nous fait défaut, et Danièle ma femme, nous attend déjà à Funchal, port et capitale de Madère.

Et là, je n'en reviens pas, Patrick à l'encontre de tous ses principes, met le moteur en marche. Il est pas gentil mon Patrick ?

 

En bons touristes, nous décidons d'explorer l'île. Nous louons une petite voiture pour le lendemain (à cinq, en se tassant un peu...), et pointons sur une carte les points d’intérêt relevés dans les guides. De bon matin, j'installe un GPS que j'ai programmé la veille au soir, et en avant. Plus besoin de confier la navigation sur carte à un co-pilote, au risque de lui faire restituer son petit déjeuner.

Je constate bien que le trajet proposé ne correspond pas aux panneaux indicateurs, mais la technique a dû trouver un itinéraire plus pertinent. Pertinent en 2D, oui, mais en 3D ?

En effet, la route part en ligne droite à l'assaut de la montagne sur une pente de plus en plus prononcée. Bientôt un "stop" m'oblige à m'arrêter. Après deux ou trois essais infructueux de démarrage en côte, je tente le tout pour le tout. Débrayage, première, compte-tours en zone rouge, et je lâche tout...

Dans un bruit infernal, une odeur de chaud inquiétante, notre vaillante petite voiture gagne peu à peu les centimètres, puis les mètres, et enfin l'embrayage "colle". Enfin, un faux-plat tout relatif, permet de passer la seconde. Un œil sur la température moteur : nous quittons peu à peu la zone rouge. C'est gagné !

 

Le cœur serein, nous visitons l'île.

Superbe ! Tant de climats variés en un si petit territoire : les bananeraies sur la côte, l’Écosse au centre, les agapanthes comme fleurs de fossés, les forêts d'eucalyptus, les chemins de randonnées accolés aux rigoles d'irrigation, forêt primaire, flore endémique... Je m'arrête là, n'importe quel guide touristique vous en apprendra plus que moi.

Pour finir, tout se passe bien, à part l'oubli d'un appareil photo au resto le midi. Quelques kilomètres sur nos pas pour le récupérer, et tout rentre dans l'ordre.

 

Voilà, l'étape est terminée. Adieux, effusions, apéro, Éclipse continue vers les Canaries et les Îles du Cap Vert, tandis que ma femme et moi prenons l'avion pour Lisbonne. Superbe ville attachante, patrie de la morue préparée sous toutes ses formes et doté d'un tramway à ne surtout pas délaisser.

 

Un dernier conseil basé sur mon expérience : ne pas visiter Madère avant les Canaries, vous risquez d'être déçus par ces dernières.

 

 

Patagonie

 

Écrire commentaire

Commentaires: 1
  • #1

    Sylvie l’aubergiste (jeudi, 07 décembre 2017 09:02)

    Merci Tonton, tu nous fais rêver !