Le détaupeur

A la demande de notre Madelon, sise en son Auberge hispano-fortine, la taupe de Bernard et Danielle, aux dernières nouvelles ne s'est plus manifestée. Le mérite de cet engin, est qu'il laisse planer un doute sur l'issue fatale et jette un voile pudique sur l'épilogue : décès ? fuite ? De toutes façons, pas de corps, pas d'inculpation possible...

Maintenant, laissez moi vous présenter l'appareil 2.0 dont je vous ai vanté dernièrement les mérites. C'est un engin intelligent, exploitant le psychisme de la taupe : le Détaupeur, en vente dans toute bonne jardinerie.

Mais attention, bien que le principe en soit très simple (la taupe ne pense qu'à reboucher la cheminée de sa taupinière), tout l'art est dans le positionnement du "palpeur" : attention à ne pas l'enfoncer trop profondément dans la cheminée.

A titre d'anecdote, je m'en vais vous narrer l'aventure survenue à un excellent ami :

Le voyant coincé à l'époque du piège mécanique (efficace, certes, mais astreignant et un peu gore pour mon petit cœur sensible), un jour, je lui propose mon matériel high-tech. Bien que dubitatif, il accepte avec condescendance de tenter l'expérience. Après quelques explications sommaires, je le laisse en tête à tête avec ce joyau technologique.

La suite me vient de sa bouche même.

Ayant constaté que le piège avait fonctionné, il a voulu savoir s'il y avait eu extermination de l'indésirable ou non. Armé d'une bêche, il entreprend de mettre la galerie à l'air libre : aucune trace de l’intruse. Il se redresse alors, et aperçoit quelque chose "qui bouge" dans la descente du garage à une dizaine de mètres de là. 

Une pauvre petite chose errait, l’œil hagard, complètement désorientée, désemparée, interloquée : le palpeur avait été trop enfoncé et avait déclenché la charge trop tôt, avant qu'un bouchon de terre ne colmate l'entrée de la cheminée. Le pétard placé derrière la pauvre bête l'avait propulsée au  loin, telle une taupe-canon de cirque. Malheureusement, la pauvresse probablement à court d'entraînement, s'était misérablement vautrée à l'atterrissage, ce qui expliquait une certaine confusion mentale.

La vision passéiste de mon ami lui fit me rendre dédaigneusement mon matériel, dans un silence réprobateur, et sans nouvelle tentative.

Pour terminer, je ne peux résister au plaisir de vous présenter cette pièce de collection récupérée au fond d'un grenier creusois, et datant du début du siècle dernier. Il s'agit d'un piège à taupe proposé par la Manufacture Française d'Armes et Cycles de Saint-Etienne.

D'après mon grand-père, ce piège était d'un maniement délicat, très délicat, mais d'une efficacité redoutable... à condition bien sûr de bien déterminer le sens de passage de la bête.

Il avait un autre avantage, c'est que toute la famille, et même tout le voisinage, était prévenu du succès de l'opération.

Je ne suis pas certain qu'aujourd'hui, au nom du sacro-saint principe de précaution, un engin d'une telle sophistication puisse voir le jour.

On ne sait plus s'amuser...