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La pêche au seau.

Piqué au vif par mon allusion à la "pêche au seau", l'honorable citoyen de la cale-d'en-bas, m'a fait parvenir quelques précisions. Ces dites précisions me paraissant un peu développées pour paraître en "commentaires", je les élève au titre plein et entier, d'article de blog.
Ayant été trahi par not' rédac' chef et notre honorable correspondant du Pacifique ouest , je me dois quelques explications pour ne pas vous paraître encore plus fou que la réalité...
Tout d'abord rendons à Caesar la paternité de cet inventif mode de pêche.
Je dois avouer que c'est Monique B de la baie, frontière entre Crac'h et Lokmaria-kaer, et équipière de mon Sancerre, sloop de 40' (coque grise bande jaune, 30 contre 1 dans la 3ème, ndlr), mouillé au sud de la balise rouge du Fort Espagnol dans les année 80, l'inspiratrice du procédé. A force de l'entendre s'époumoner supermercado pesquero" ( super-marché de poissons en hispano fortin et... accessoirement Sevillan ), je m'approche de tout navire de pêche, et offre en plus d'un grand sourire conjugué d'un pas de cancan en porte-jarretelles (soi-disant provoqué par le roulis), une aimable requête invitant à nous faire bénéficier d'une dégustation de quelques échantillons de leur production.
 
C'est après le plaquage rugbyiesque raté d'une grosse dorade gluante, qui vit cette ovalité rebondir hors de mes bras et de la ligne de mon pont jaune, et revenir en " terrain " bleu, que j'inventais le transbordement "gaffe de 3 m, agrémentée d'un seau à son extrémité".
Puis ayant, lors d'une autre approche, des problèmes de communication en gaelic, unique langage des pêcheurs concernés, sous les yeux ébahis de Jean L*** notre gros industriel local, je résolvais le problème linguistique grâce à la filière alcoolique.
Deux bouteilles dans le seau sous le nez d'un irlandais, c'est comme une jolie bimbo sous le nez d'un italien. Pas besoin de discours, les mains suffisent, et là dans le cas présent, c'est ce qu'ils ont sous les mains qui remplit le seau laissé libre de ses bouteilles. Enfin en général, car dans le cas concernant Jean, les pêcheurs honnêtes et dépités de ne pas avoir les poissons requis en baragouin celtico-anglais, et voyant leur échapper les bouteilles, s'excusaient de ne pas avoir ce que nous souhaitions, car en route directe depuis Galway vers la France.
Dans un dernier espoir, susurré comme leur dernière chance de garder les bouteilles, ils nous proposèrent des prawns. L'air interrogatif et semblant déçu de Jean, doucha à froid leur enthousiasme pour la dive bouteille. C'est avec une moue, moi aussi et facilitée par celle de Jean liée à ses problèmes linguistique, que je faisais semblant d'accepter vraiment pour leur faire plaisir, en acquiesçant un OK. Dans la demie seconde qui suivit, notre seau fut non seulement délesté de ses 2 bouteilles de blanc, mais ils repoussèrent la gaffe brutalement vers nous.
Ayant par précaution mis un énorme pare-battage, flotteur de chalut "au cas où" et malgré la grande longueur de ma gaffe, le patron pêcheur, bien que nous soyons tous les deux en route au moteur en pleine mer au large des Skellig (W Irlande), m'intima l'ordre de m'approcher presque à couple. Une fois fait, il fit jaillir de la cale avant, une caisse complète de marrée remplie de langoustines, et la projeta juste en équilibre sur nos filières, avant de se vautrer avec l'élan,  sur le pont de mon Sancerre Florès.
Non triées ça veut dire petites, grosses, et très grosses, et quand je dis énormes, Jean en atteste, une fois coupées en deux, façon homard . Elles dépassaient encore des pinces sur ma galettoire de taille de crêpes normales (pas celles calibrées de super marché), sur laquelle elle grillaient au beurre pour Jean et à la "plancha huile d'olive" (sous l'air réprobateur du sus nommé).
Jean, que je soupçonne fortement de renouveler ses pontons un peu trop régulièrement à mon goût, pour avoir l'obligation d'aller régulièrement en Bigoudénie, ou comme par hasard il fait toujours construire ses nichoirs d'élevage de  cormorans (production de guano pour explosifs? culture de plantes vertes ? de celles qui demandent beaucoup de lumière et de chaleur ? ou beaucoup, beaucoup, d'engrais...).
Pourquoi la Bigoudénie ? ben voyons, savez pas que c'est là, la contrée des demoiselles du Guilvinec ? la langoustine quoi. Et jean, lui, en est fou et en ramène des kilos et des kilos à chaque fois. Pour certains de nos congénères, le trip suprême est le petit bleu du soir. Pour d'autres...
Pour en revenir à notre  pêche au seau des skellig, c'est la première fois que je voyais Jean malade de quelque excès que ce soit. Mais sa fascination pour ces demoiselles, chiffrable à près de deux douzaines de la taille galettoire comme plat principal, précédées de quelques plus petites en apéro, nous l'a rendu ce soir là, quelque peu nauséeux . 
Et là, l'excuse : "bu un casier de rouge, et malade à cause des deux berniques mangées avec", était je le jure inversée. Juste une lapée de Sancerre blanc, festin oblige à bord de l'homonyme, pour respirer et laisser évacuer vers le bas un estomac débordant, avant d'être rattrapé par la frénésie. Je dois dire que moi aussi j'étais un peu chafouin. Fort de deux ou trois kilos, étant grand amateur, mais réussissant , moi , malgré tout, à quelque peu, même à mon échelle je dois avouer arriver à contrôler l'ambiance gastronomique survoltée de ce soir inoubliable , 
Pour info, c'est le genre de langoustines, longueur hors-tout, presque de la taille des petits homards-portions canadiens. Je les ai vu vivantes, certes pendant les fêtes de Noël, à 120€ le kilo et entre 50 et 70 en temps normal (selon mauvais temps ou pas). Elles sont en général réservées aux restaurants étoilés. Elles arrivent et sont vendues dans leur emballage "mini-cage individuelle", et conservées en vivier lors du camionnage et du stockage en poissonnerie de luxe.
Pour finir, étant données les difficultés de l'abordage en plein mer, j'ai pensé que pour la simplicité, et pour ma bonne conscience de ne pas les pousser à boire à la barre en mer, j'ai pensé que peut-être qu'à quai, au déchargement, ce serai moins dangereux pour tout le monde. Et donc ça marche effectivement très bien sur les côtes irlandaises, écossaises, mais aussi du Maine et surtout de Terre Neuve où la prohibition des prix menée par l'état, tant pour des raisons financières que de salubrité publique, y rend cette technique particulièrement efficace. 
Quand à nos pécheurs râleurs français, même pas essayé !! Pays de merde, geignait la marionnette de Jospin dans les guignols de l'info ... 
Thierry de la cale-d'en-bas

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