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Une autre histoire d'oiseau

Cette année-là, mes amis Thierry et Aude avaient eu la gentillesse de m'inviter à baguenauder en Ecosse et Hébrides, d'île en île, de mouillage douillet en escales arrosées, à bord d'Inish Kiliki. Je vous parlerai peut-être un jour de cette vie difficile en compagnie de ce skipper-gastronome, mais aujourd'hui ce n'est pas le sujet.

 

Je suis incapable de vous préciser l'endroit exact de cette anecdote, mais ce jour il faisait beau ! Je dois préciser que je soufre d'une oreille handicapée en ce qui concerne l'anglais parlé, et j'en suis à ne suivre que des demies conversations : seules les phrases prononcées par un non anglo-saxon me sont à peu près accessibles.

 

Nous rendions visite à un de leurs amis, ornithologue à ses heures, occupé à acclimater un couple de pygargues à tête blanche ou aigles-pêcheurs. Le détail des échanges bien sûr m'échappa, mais nous voilà embarqués sur une petite vedette vers un point précis de la baie. Notre hôte stoppa son embarcation à quelques encablures du rivage, et tout en surveillant discrètement un pic éloigné, sortit quelques maquereaux et se mis en devoir de les gonfler d'air à l'aide d'une grosse seringue. Après un dernier coup d’œil en direction du pic rocheux, il lança les poissons à l'eau et nous précisa qu'il n'y avait plus qu'à attendre.

 

Très rapidement, les poissons gonflés comme des outres attirèrent la convoitise de gouelles, toujours promptes à rapiner à moindre effort. Malheureusement pour elles, elles avaient les yeux plus grands que le bec, et aucune ne semblait capable de s'approprier durablement une des proies.

Cependant, notre hôte fixait toujours l'horizon. Soudain son visage s'éclaira et il pointa le doigt en nous expliquant (c'est du moins ce que je suppose) qu'ils arrivaient. Effectivement quelques instant plus tard, je distinguai deux points en approche dans le ciel.

 

Alors que le couple d'aigles arrivait sur site, une des gouelles réussit à saisir un des appâts et prenait péniblement de l'altitude. Nous attendions, curieux, la réaction des deux rapaces : l'un se dirigea vers le groupe de gouelles afin de chasser ces pique-assiette(s), l'autre plongea et vola à quelques centimètres de la surface en direction de la fuyarde. Cette technique lui permit de réduire sans effort et rapidement l'écart. Nous suivions attentivement cette course poursuite, très impressionnés par l'impression de force, de vélocité et de grâce de ce vol en "effet de sol", quand soudain, arrivé à l’aplomb de la fuyarde, il effectua une ressource brutale et vint la percuter par dessous. La malheureuse, estourbie, lâcha son déjeuner, rétablit péniblement son assiette, et à l'instar de Maître Corbeau, "jura bien qu'on ne l'y prendrai plus".

Voilà, la hiérarchie était respectée, l'ordre des choses rétabli, la sérénité et le calme retrouvés. N'en déplaise aux mânes de Monsieur Benjamin Francklin, on comprend, après avoir assisté à cette scène, pourquoi le pygargue à tété blanche a été choisi comme symbole des USA plutôt que le dindon sauvage.

 

Nous repartîmes discrètement, et sur le chemin du retour, sur proposition de notre mentor, nous nous arrêtâmes pour une courte partie de pêche. Il nous proposa des canes à pêche rudimentaires : bambou rigide, moulinet simplissime, hameçons garnis d'une gaine de fil électrique rouge, et plomb. Il nous fût expliqué, démonstration à l'appui, que la technique était simple : laisser filer la ligne vers le fond, remonter, et décrocher les prises, ad libitum... ad nauseam...

Très rapidement, le quota de prises raisonnable fut atteint ; il était temps pour Thierry de rentrer préparer le repas dans une débauche de récipients sophistiqués et ingrédients improbables.


Belle rencontre et beau souvenir...



Suite...

Effectivement, j'avais oublié le signal d'appel.

Il est à noter que l'utilisation d'une batte de base ball, démontre à l'évidence que l'intégration à l'habitat local n'était pas complet. Je suppose qu'aujourd'hui c'est chose faite avec le passage à la batte de cricket, ou plutôt au club de golf. Terroir oblige !


Voici quelques photos prises ce jour mémorable par mon skipper bien aimé (non, pas la manivelle de winch !...).



En illustration de cet épisode, je viens de "découper" dans un documentaire de France 5, une vidéo de notre héros.



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Commentaires: 1
  • #1

    la vigie de la cale se souvient (samedi, 07 novembre 2015 23:44)

    quel beau souvenir effectivement.
    details sublimes du dressage sur ces slendeurs sauvages, il y avait une heure habituelle , celle du time , et la procedure voulait que notre bon docteur tape trois fois de sa batte de base ball utilisée pour assommer le poisson péché, le plat bord de son bateau pour faire decoller les aigles en surplomb a presque deux miles de distance
    Ce qui ne s invente pas non plus c est que le distingué ornithologue était le médecin des multiples iles centrales de hébrides extérieures au sud de Lewis l ile capitale des Hébrides occidentales les plus proches de terre neuve, sautant de land rover en ferry , de ferry en moto , notre bon docteur s appelle ian mac Donald sisi c est vrai , aussi romanesque car il avait marié quarante ans plus tot une femme du clan mac neil ! Scandale dans les iles nous avait il confié,.
    autre detail touchant des qu il me savait en approche dans les iles , et radio mouton tweed ( le harris tweed historique a été inventé dans l ile du dessus, ) les pavillons Francais ET bretons etaient issé sur son mat au bout de son jardin fleuri ( quand des rafales a 70 nds en plein été comme lors de mon dernier passage ne déracinent pas meme les pensées par simple prise au vent) surplombant le port pour nous accueillir.
    A suivre pour les photos retrouvées !
    celle des gouelles du poete au cul du bateau du toubib sont particuliérement impressionnantes ,,, avant que les aigles dispersent brutalement cette bruyante manif

    alors je retrouve le nom de l ile et du port , , elegant et lointain
    ile du chapelet occidental des Hébrides extérieure NORTH UIST
    Port / Lochmaddy point d escale des ferry avec le continent... comme le disent avec humour les ecossais des iles a propos de l ile , des highlander et accessoirement anglais